Est-ce que la vie c’est la chance ?

par NTONG-LA'AN
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Ajouté : ven. 16 déc. 2022 - 12:51 | Modifié ven. 16 déc. 2022 - 12:51

 

 

 

Depuis quelque temps, il y a une mélodie en vogue chez nous au Cameroun que beaucoup et surtout les jeunes, fredonnent à longueur de journée et à toutes les positions. Selon cette chanson, la « vie » serait la « chance » ! Et exemples à l’appui, la chanteuse argumente pour nous montrer combien de fois la vie ne peut être que la chance ! Un argumentaire qui ne me convainc pas du tout !

La première fois que j’ai écoutée cette chanson, la mélodie m’a bien bercée les oreilles. Les paroles quant à elles, m’ont donné, de prime abord, de violents électrochocs au cerveau. Interloqué, j’ai demandé les avis des uns et des autres de mon entourage sur les paroles de cette chanson. Les avis sont restés partagés. Les uns pensaient que le vie ne pouvait pas être que la chance tandis les autres avaient un avis opposé.

 

On me reproche souvent le fait que je cherche généralement pour ne pas dire toujours, à voir les choses dans les détails. Mais je n’y peux rien. C’est plus fort que moi. J’aime bien les détails. Car ces derniers sont simples et me permettent de mieux comprendre certaines choses qui me semblent complexes et qui sont faciles à comprendre dans leur globalité pour les autres. Je n’ai pas la grande intelligence de ces personnes qui me font ces reproches. Si j’avais été aussi intelligent qu’elles, peut-être, je dis bien peut-être que je ne poserai plus beaucoup de questions à mes interlocuteurs.

Pour revenir à cette interrogation (Est-ce que la vie c’est la chance ?) qui me turlupine et qui me laisse pantois quand j’entends la jeunesse répéter comme des perroquets « Hoyoo, la vie c’est la chance ! », j’ose me permettre d’être optimiste en me disant que, ces jeunes gens qui chantent « Hoyoo, la vie c’est la chance ! » le font sans toutefois y PENSER ou sans toutefois y CROIRE. Parce que, s’ils pensent et croient en ce qu’ils disent, je n’ose pas imaginer le pourcentage extrêmement élevé de cancres qu’il y aura et qui s’ajouteront à ceux existant déjà et qui attendent gentiment que ce soient les autres qui travaillent pour qu’ils viennent seulement jouir du fruit du travail de ces autres.

 

Qu’est-ce que la vie ?

 

Il existe des définitions de la « vie », qui sont loin de faire l’unanimité selon l’angle sous lequel on se positionne pour les définir. Le philosophe ne nous donnera pas la même définition de la vie que le biologiste.

N’étant pas biologiste et encore moins philosophe, je vais me permettre de définir la vie ici selon ce que je crois comprendre de l’usage de ce mot au quotidien. Ce n’est pas la définition de « la vie » du biologiste ou celle du philosophe.

Dans les milieux où nous évoluons, quand nous disons par exemple que « la vie c’est la chance », « la vie » ici, dans ce cas ou c’est « la chance », sous-entend, toutes les expériences positives qu’on peut avoir, tous les biens matériels, financiers, spirituels, tout ce qu’on peut vivre de bien.

Il y a aussi des cas où, impuissantes face aux aléas du quotidien, certaines personnes peuvent parfois s’exclamer « c’est la vie », comme pour relativiser ce qui leur arrive ou ce qu’elles subissent malgré elle.

J’utilise des mots qui suscitent en moi des interrogations ! J’imagine déjà certaines personnes, amoureuses du détail comme moi, cherchant déjà un formulaire de soumission de commentaires pour poser des questions. Qu’est-ce qui est positif ? C’est quoi le bien ?

On n’est pas dans un cours de philosophie. Considérez tout simplement que le bien ou le positif est ce que vous pensez être bien ou positif. Comme ça, les choses seront plus simples pour chacun !

Je sais que, vous, qui êtes entrain de lire cet article, êtes très intelligent et comprenez que j’exprime ici, ma compréhension des choses ou des événements. Vous pouvez les voir de la même façon, différemment ou partiellement différent qu’il n’y aurait pas de quoi se malmener. C’est l’une des beautés de « la vie ». La diversité. La diversité des façons de faire, de comprendre, de voir, d’être…

 

Dans la compréhension que nous avons de « vie » et relativement au sujet objet de notre préoccupation dans cet article, nous pouvons comprendre la VIE comme l’ensemble de tout ce que nous vivons, positivement ou négativement.

 

Qu’est-ce que la chance ?

 

Selon le dictionnaire LAROUSSE, la chance est la possibilité, la probabilité que quelque chose (surtout un événement heureux) se produise. Toujours selon le LAROUSSE, la chance est aussi une faveur du sort, une issue heureuse de quelque chose, une situation favorable de quelqu’un.

 

 

La vie est-elle la chance ? Ou bien, la vie n’est-elle que la chance ?

 

Dans les environnements où nous évoluons et où l’objectivité est l’élément le moins partagé, « la chance » comme une « faveur du sort » ne peut être que la bienvenue. Quand s’ajoute à cela, la tendance à tout mystifier, on obtient un cocktail explosif qui fait des ravages. « La chance » devient un fonds de commerce que les vendeurs d’illusion ont vite fait de s’en accaparer.

Tout avoir, tout succès, tout ce qu’on peut obtenir de bien ne peut s’expliquer que par la chance, quand ce n’est pas des pratiques mystico-religieuses !

Chaque jour, à travers les téléphones, la radio, la télévision et dans la rue par le biais d’une propagande intempestive, beaucoup d’entre-nous subissons le matraquage médiatique de ces vendeurs d’illusions  qui veulent nous faire croire que « la vie c’est la chance ».

 

La position du vendeur d’illusions

Dans le groupe de vendeurs d’illusions, je vais mélanger, pour ne pas dire englober, toutes ces personnes ou ces entités (entreprises) qui veulent faire croire à la masse que :

• Pour avoir un terrain, il faut avoir la chance, par conséquent il faut jouer aux jeux de hasard, il faut parier ;
• Pour avoir une voiture, il faut avoir la chance, il faut jouer aux jeux de hasard, il faut parier ;
• Pour construire une maison, il faut attendre la chance en jouant chaque jour aux jeux de hasard et en faisant de multiples paris ;
• Pour avoir quelque bien matériel, il faut avoir la chance et pour cela, il faut jouer, il faut parier ;
• Pour « briss » (comprendre pour avoir énormément d’argent, « Plenty Money »), il faut la chance, par conséquent il faut parier, il faut jouer ;
  • Pour respirer même, on va finir par nous faire croire qu'il faut la chance ; et pour savoir qu’on a la chance parce qu'on respire, il faut jouer aux jeux de hasard, il faut parier !

 

Pour moi, affirmer que « la vie est la chance » ou que « la vie n’est pas que la chance » dépend de qui on est et des desseins qu’on a en tête.

La vie est-elle la chance ?

Si je suis un vendeur d’illusions et que mes objectifs sont de rendre la jeunesse cancre, écervelée afin que, désorientée et n’ayant aucune base solide, qu’elle puisse se dire et croire fermement que le seul moyen de RÉUSSIR dans la vie ne serait que la chance, je vous dirai que oui, effectivement la vie c’est la chance. C’est la chance pour les « mboutt », comme on dit localement pour ne pas dire des naïfs ! Car moi, en tant que vendeur d’illusion patenté, je n’attends pas la chance pour étudier les comportements des individus, détecter les besoins et leur vendre leurs désirs ou rêves. Je n’attends pas la chance pour mettre en place des stratégies de matraquage médiatique pour amener le plus grand nombre à adhérer à mes « illusions » que je vends.

En tant que bon vendeur d’illusions, ça m’arrangerait que tout le monde puisse croire que la vie ne serait que la chance ! Ainsi, je leur proposerai des jeux de toutes sortes sortis de mon imagination fertile et ils dépenseront, pardon, ils « cotiseront » volontiers à chaque occasion, en espérant qu’un jour, ils auront LA CHANCE, ou selon leur langage, « ils boufferont à leur tour la cotisation » et deviendront des milliardaires et mèneront la vie de pacha que je leur fait miroiter ! En attendant que cela arrive, que leurs rêves de chance deviennent réalité (même si c'est dans un autre monde!), moi je me remplirai bougrement les poches, pardon, les comptes bancaires !

 

La position du parent que je suis

Si je suis un parent digne de ce nom, je ne laisserai sous aucun prétexte, même au prix du sacrifice ultime, que ma progéniture adhère à ces façons de penser et d’être qui nous enfoncent encore plus dans l’abime sans fond de la pauvreté. Une pauvreté non seulement pécuniaire, mais aussi intellectuelle et spirituelle. Puisque, au lieu de se concentrer dans l’acquisition des connaissances et des savoirs, les jeunes vont passer le temps à rêvasser comme des cancres écervelés. Il y en a qui ne vont rater aucune occasion pour "ramasser" toute pièce d'argent ou tout billet de banque ne leur appartenant pas, et qui par malheur, sera détecté par leurs yeux, pour aller parier ou charger le téléphone pour jouer / parier en espérant que "la chance" sera au rendez-vous pour "gagner" le gros lot.

 

La grande majorité des pays du continent africain sont présentés comme des pays en voie de développement pour ne pas dire des pays pauvres et… surtout très endettés. Dans ces pays, à y observer de plus près, il y a énormément de richesses qui ne sont pas exploitées. Ce ne sont pas seulement les richesses du sol et du sous-sol qui existent, il y a aussi une diversité de ressources humaines. Et c’est au niveau de ces dernières qu’il y a problème. Les façons de penser et de faire sont tout, sauf rationnelles ! Des systèmes d’abêtissement sont mis en place pour faire croire à la masse que ce n’est que « la chance » qui changera tout.

Chaque parent, soucieux du devenir et du bien-être de sa progéniture devrait prendre des dispositions et mesures nécessaires pour inculquer une base solide à celle-ci. Une base, tellement solide que, les « idéologies de la chance » par exemple n’auraient aucun effet et disparaîtront sans s’en rendre compte.

 

Et les réalités du milieu

Les beaux discours c’est bien. Et les réalités du milieu alors ?! Quand pour trouver du travail, il faut avoir des « relations » ou il faut payer en espèces ou en nature ?! Quand bien même, on réussi à trouver un emploi, quel est le salaire ? Quarante (40 000) ou cinquante (50 000) Fcfa quand on dit que c’est bien payé ?! Je vais passer toute ma vie en location ? Je vais passer toute ma vie à porter la « friperie » ? Je vais passer toute ma vie dans la misère, dans le besoin, à travailler pour rembourser les multiples dettes que je laisserai en héritage à mes enfants ?

Tous ces questionnements et bien d’autres, je les ai souvent entendus. Et je pense que le problème pour beaucoup d’entre nous est dans la façon de voir les choses. Presque tout le monde veut être un fonctionnaire, travailler dans l’administration publique. Etre un « NGOMNA » ! Presque tout le monde pense qu’il suffit d’aller à l’école, avoir les diplômes par n’importe quel moyen, (l’essentiel étant de les avoir, même s’il faut tricher ou corrompre !) et d’attendre un hypothétique recrutement.

Comme à une époque lointaine où les jeunes pays africains, sortant de la « colonisation » recrutaient massivement pour remplacer l’administration coloniale, certaines personnes continuent à penser que nous sommes encore à la même époque.

Si ce ne sont que les diplômes, il y a des millions et des millions de diplômés dans tous les pays ! La population a augmenté et continue de croitre exponentiellement ! Cependant, les postes dans l’administration publique n’ont pour autant pas suivi la cadence.

A mon avis, l’avenir des jeunes et des pays dits pauvres est dans l’entreprenariat. Bien que le diplôme soit considéré comme synonyme de savoirs, même si la plupart du temps cela ne se vérifie pas, il doit être plus mis en avant, les compétences. En parlant de compétences, certaines personnes vont penser beaucoup plus à la technique. Que non ! Il y a des compétences dans tous les autres domaines que la technique.

Que ce soit dans les sciences humaines, sociales, techniques ou technologiques, il faut des compétences et non « la chance ».

Quand les adeptes de la chance parlent de « chance », ils ne remarquent jamais tout l’effort, toute la persévérance qui ont précédé la réussite d’un tel ou d’une telle.

 

La chance, est-ce qu’elle existe vraiment ?

Pour moi, la vie n’est pas et ne sera jamais la chance pour qui est objectif et cherche à comprendre les choses dans les détails ! J’affirme sans ambages ni fioriture qu’il n’y a pas de « chance ». S’il n’y a pas de chance, il n’y a non plus de « malchance ».

J’en vois déjà qui sont choqués de lire ça et qui me décochent déjà des regards pas du tout gentils. Je suis désolé, mais c’est mon point de vue.

Ce que je constate pour nous êtres humains, tout ce que l’on ne comprend pas n’existe pas ou est classé dans l’ordre de la religion ou du mystère. Je sais que les adeptes de la chance me retourneront cet argument. Mais je ne suis pas dans cette logique ! Pour moi, « la chance », tout comme les « miracles » n’existent pas. Dans l’un ou l’autre des cas, il y a des mécanismes que parfois, nous sommes incapables d’expliquer par ignorance et nous avons vite fait de parler de « chance » ou de « miracle » !

 

Je pense que la « chance » n’y est pour rien dans la réussite ou le succès des uns et des autres. Dans le fond, il y a toujours de l’effort, de la persévérance et parfois un ensemble de mécanismes, de soutiens que la personne crée sans s’en rendre compte et qui facilitent la réussite. Ce qu’on a le plus en commun, c’est… l’IGNORANCE !

 

Je n’ai nullement l’intention de blesser quelque croyant que ce soit, mais pour moi, c’est ma compréhension. Le « miracle » et la « chance » n’existent pas. Je suis conscient que cette compréhension des choses ne fera jamais l’unanimité, même quand ces personnes qui vendent la « chance » et les « miracles » en seront convaincus elles-mêmes.

 

Si les fonds de commerce que sont la « chance » et le « miracle » cessaient d’exister, que vendraient-on encore ?